Le Salon des Indépendants n’est pas le fruit du hasard

Par Jean Monneret

Le Salon des Indépendants
n’est pas le fruit du hasard

Lorsqu’il a été créé en 1884 à Paris, à l’initiative des artistes néo-impressionnistes, Seurat, Signac, Cross, Dubois-Pillet, Angrand, le Salon des Artistes Indépendants répondait à une impérieuse nécessité. Pour des artistes novateurs, il s’agissait de créer un outil qui leur permette de vivre de leur peinture, telle qu’ils entendaient la faire, sans concession: un salon d’artistes d’accès entièrement libre. Sans jury … et sans récompense.
Les peintres impressionnistes, dans leur combat pour la conquête de la lumière, avaient administré la preuve, pendant vingt longues années de misère absolue, qu’il était vain de vouloir franchir la barrière du jury du seul salon existant, le Salon officiel. Au milieu du XIXe siècle, son conformisme le rendait intransigeant face à toute nouveauté. Las des refus répétés dont ils étaient l’objet devant ce sanctuaire académique, quelques jeunes artistes décidaient de prendre leur sort en mains. Ils ne voulaient pas recommencer la douloureuse expérience de leurs aînés impressionnistes.
 

La charette des ” Refusés ” Caricature, Monneret, 1984 La condition infamante de ” refusé ” équivalait à une condamnation à l’exclusion et à la misère. Un tableau refusé de Cézanne avait-il de la valeur, au moment du retour en charrette, à l’atelier ?

membres jury salon des indépendants 1884

Les membres du jury du Salon des Artistes Français de 1903

Ce n’était pas sans risques. A treize ans de la Commune et de sa sanglante répression, vouloir se libérer de la tutelle d’un jury, rejeter tout à la fois le principe de patronage et la pratique de la cooptation en échange de la soumission aux normes établies, représentait un acte courageux. à l’heure où le bulletin de la Paroisse était obligatoire pour l’obtention d’un emploi, «Ni jury, ni récompenses» le slogan des impressionnistes, devenait le mot d’ordre de ces peintres révolutionnaires. Ils abandonnaient la condition de «refusé» qui fut pendant le XIXe siècle celle de tout artiste novateur, pour affronter la liberté qui n’était guère plus facile à assumer. Mais au moins avaient-ils l’espoir d’intéresser la critique, de montrer leurs oeuvres et finalement de les vendre. Dans une période où il y avait peu de galeries, l’artiste novateur sortait enfin du cercle infernal où sa condition infamante de «refusé» équivalait à une condamnation à l’exclusion et à la misère.

Un autre risque consistait à devoir admettre, en l’absence de toute forme de sélection, un grand nombre d’amateurs. La formule de Thore-Bürger n’était-elle pas de circonstance pour vaincre les resistances : « En art, la liberté est encore le meilleur moyen d’ordre et de justice ».
En leur temps, d’éminents artistes furent refusés par des jurys, défenseurs du goût officiel: Delacroix, Courbet, Daumier, Manet, Puvis de Chavannes, Whistler, Fantin-Latour, Théodore Rousseau, Corot, Jongkind, Monet, Sisley, Pissaro, Cézanne, Gauguin, Renoir, Guillaumin, Van Gogh … furent de ceux-là !

Le jury examinant avec intérêt l’oeuvre de Courbet. Lithographie de Cham, (Amédée de Noé) 1855 “Je suis aux cent coups … on vient de me refuser mon Enterrement à Ornans et mon dernier tableau L’atelier. Ils m’ont déclaré qu’il fallait à tous pris arrêter mes tendances en art qui étaient désastreuses pour l’Art français …” (Courbet à Bruyas, 1855).

Quelles sont les raisons historiques qui motivèrent la création d’un salon d’artistes, libre, débarrassé des contraintes provoquées par le conformisme dogmatique de l’institution d’Etat ?
Dans les prochaines semaines nous allons tenter la gageure de situer la création du Salon des Indépendants dans son contexte historique et d’évoquer succinctement la succession d’événements qui l’insèrent, tout naturellement, dans la logique de l’histoire de l’art. De l’invention de la peinture à l’huile au XVe siecle jusqu’à nos jours.
Alors rendez-vous la semaine prochaine !!!

Auteur : Jean Monneret,
Catalogue raisonné du Salon des Indépendants 1884-2000.
Edition Eric Koehler, novembre 2000

Rendez-vous la semaine prochaine !

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